Pour clouer le bec à ses détracteurs, il imagine de produire de nouvelles photographies. En août 1920, il laisse à Frances et à Elsie un nouvel appareil et une vingtaine de plaques de photographies.
Pendant ce temps, Conan Doyle a remis son article au Strand Magazine et promis de l’illustrer avec les clichés de la seconde série. Lui non plus ne doute pas un instant. Il part même en Australie répandre la bonne nouvelle spirite et celle de la découverte des fées.
Au mois de novembre, quand l’article du Strand Magazine paraît, c’est la ruée. Le numéro est épuisé en quelques heures. Les réactions fusent : on accuse Conan Doyle de vouloir « pervertir l’esprit des enfants avec de telles absurdités ». L’opinion se divise entre l’admiration pour le trucage, le scepticisme poli, l’humour et la colère. Seuls les milieux spirites et théosophes croient fermement à leurs fées.
En 1921, Frances et Elsie recommencent à prendre des photographies de leurs amies les fées. Edward Gardner leur a prêté deux appareils et quelques plaques, marquées de repères secrets pour empêcher tout trucage ou toute substitution. Il leur en a expliqué le fonctionnement et leur a fait un vrai petit cours de technique photographique, sur les temps de pose ou la profondeur de champ.
Voilà les deux jeunes filles en train de guetter les fées. Edward Gardner est reparti à Londres. Il pleut pendant une quinzaine de jours, au cours desquels il est hors de question d’aller folâtrer près du ruisseau. Puis le temps se lève et, vers le 19 août, la chasse aux fées recommence…
Que vont donc bien pouvoir photographier les deux enfants ? Les fées auront-elles le même aspect de beaux dessins ? Cette fois, tout le monde les guette...
Dans une lettre à Edward Gardner, le théosophe qui entend démontrer l'existence des fées de Cottingley, Polly Wright raconte la seconde campagne de photographies des petites dames qui peuplaient le ruisseau.
" Le temps a été couvert et brumeux toute la matinée et elles n'ont pas pu prendre de photographies avant le soir, quand le brouillard s'est dissipé et que le soleil s'est levé. Je les ai donc laissées et je suis allée prendre le thé chez ma soeur. Quand je suis revenue, j'ai été plutôt déçue : elles n'avaient réussi qu'à prendre deux fées en photos."
La lettre se poursuit : "Elles y sont retrournées samedi après-midi et ont pris plusieurs photographies, mais il n'y en a qu'une seule sur laquelle il y ait quelque chose et elle est plutôt bizarre. On ne pourra rien en tirer. Aethur a développé les plaques."
Il y a un post-scriptum tout à fait délicieux : "En fin de compte, elle n'a pas réussi à en prendre une en train de s'envoler."
Finalement, les plaque arrivent à Londres, où Conan Doyle et Edward Gardner les attendent avec impatience. Conan Doyle est ravi par cette seconde série de photographies et l'utilise pour illustrer un second article, qu'il signe dans le Strand Magazine. L'année suivante, il publiera un livre, The coming of the fairies ("Le Retour des fées"), où il recensera un certain nombre d'apparitions de fées.
Les réactions à cette seconde série sont variées, mais toujours vives. La plupart des gens s'étonnent de la ressemblance entre ces fées et les personnages des livres illustrés pour la jeunesse. On remarque également que leurs coiffures et leurs toilettes sont un peu trop élégantes. De même, la netteté des silhouettes de ces fées fait croire à une habile retouche par un profesionnel du trucage.
Enfin, on finit par se demander si Sir Arthur Conan Doyle n'en fait pas un peu trop et comment un homme comme lui peut tremper dans une pareille affaire. En fait, pour le "père" de Sherlock Holmes, ces fées ne sont qu'n prétexte. Dans une lettre à Edward Gardner, il explique : "Mon coeur s'est réjoui lorsque j'ai reçu, dans cette lointaine Australie, votre mot m'annonçant les trois photographies réussies. Voilà qui va grandement servir notre doctrine. Une fois admise l'existence des fées, le public sera prêt à admettre les autres phénomènes psychiques..."
Les réactions favorables des partisans de l'authenticité sont le plus souvent gênantes, car trop empressées et trop imprégnées de naïveté. Toute attitude critique semble avoir quitté les spirites et les théosophes. Conan Doyle lui-même décrit sans trouble la scène qui figure sur la cinquième plaque : "Assise en haut de la berge, sur la gauche, une fée aux ailes largement déployées semble se demander s'il est temps pour elle de prendre son envol. A droite, une fée d'âge plus mûr, avec des ailes magnifiques et une abondante chevelure, a déjà pris son essor. Son corps, légèrement plus dense, se devine à travers sa robe de fée."
Cottingley devient un village très connu. d'ailleurs, n'y raconte-t-on pas depuis toujours des histoires de fées et de lutons ? On sait que les fées et les autres esprits de la nature se plaisent près de l'eau, dans les bois : n'y a-t-il pas, près de la maison des deux jeunes filles, au bord du ruisseau, de ces deux chênes, de ces frênes et de ces buissons d'aubépine qui sont toujours associés aux fées et aux créatures de légende ?
On organise même une expédition à Cottingley. Le clairvoyant Geoffrey Hodson est requis pour "voir" les belles petites dames du ruisseau. Les deux jeunes filles s'amusent beaucoup avec Geoffrey Hodson, qui croit pouvoir affirmer qu'il a bien "vu" une fée...
Quelques années plus tard, les deux espiègles jeunes filles reconnaîtront être allées au-delà des désirs de Hodson et l'avoir suggestionné. Cet aveu naïf ne fera que renforcer la conviction des sceptiques?
Ceux-ci, pour expliquer ces étranges photographies, ont hésité entre plusieurs hypothèses. Sans d'ailleurs répondre à toutes les questions qui se posent à l'esprit quand on analyse les plaque litigieuses. Première hypnothèse : le goût bien conne d'Elsie pour les fées... Elsie n'arrêtait pas d'en dessiner, d'en peindre ou d'en griffonner un peu partout. De plus, comme elle avait travaillé un temps chez un photographe, on pouvait en déduire que...
Bien plus tard encore, quand les jeunes filles, devenues mères de famille, accepteront de reparler de leur aventure et avoueront avec quelque peu mystifié Hodson, on leur reconnaîtra un certain sens de l'humour. Quoi de plus facile, pour deux adolescentes livrées à elles-mêmes, que d'inventer une bonne farce à jouer aux adultes ? Le jardin au ruisseau était vaste, le grenier de la maison également, et aucun témoin de ces prises de vue n'existe...
En 1978, ces photographies ont été soumises à un nouveau procédé d'agrandissement, notamment utilisé pour la bonne compréhension des clichés envoyés par les satellites américains depuis la Lune. Cette analyse révéla des détails insolites, notamment ce qui aurait pu passer pour des ficelles au-dessus des silhouettes des fées.
Une études attentive de ces fées devait également faire ressortir une étrange ressemblance entre leur tenue et celle des fées représentées dans le Princess Mary's Gift Book, livre paru en 1914.
Ces arguments se brisaient sur les certitudes de ceux qui croyaient à l'authenticité des photographies. Elsie avait travaillé chez un photographe ? Peut-être, mais pendant six mois seulement et elle faisait uniquement les courses. Elle dessinait souvent des fées ? Bien entendu, puisqu'elle en voyait souvent. Et ses dessins n'étaient ni meilleurs ni pires que ceux de n'importe quelle jeune fille de cet âge. La ressemblance avec le Gift Book ? Evidemment, les deux groupes de fées dansent. Pourtant, celles de Cottingley ont des ailes. Les ficelles constatées après agrandissement ? De quel matériau, suffisamment invisible pour l'époque, auraient-elles été faites ?
Reste l'influence exercée sur le pauvre clairvoyant. Au moment de son arrivée, les deux jeunes filles en avaient assez des histoires de fées. Elles lui auraient donné tout ce qu'il souhaitait pour se débarrasser de lui plus vite.
Dernier argument : ces deux photographes amateurs n'avaient aucun mobile suffisant pour monter une telle affaire, qui, ne l'oublions pas, s'est trouvée dévoilée tout à fait en dehors de leur volonté. Et aucune d'elles n'aurait eu le temps, ni les moyens, ni même l'habilté suffisante pour truquer ces plaques photographiques...
Curieusement, depuis leur enfance, les deux "reporters de l'invisible" n'ont pas varié dans leurs déclarations. Elsie, bien installée dans sa vie de grand-mère, a finalement accepté d'être interrogée par un journaliste de la B.B.C. en 1966. Ses propos ont été décevants : elle a confirmé que son père était bien étranger à toute l'histoire, mais maintenu que les photographies étaient authentiques. En 1976, au cours d'une nouvelle interview, elle a persisté dans ses déclarations, avec une belle volonté de préserver sa vie privée et ses souvenirs de jeunesse.
L'énigme de Cottingley reste donc entière. Un esprit rationnel ne voit évidemment pas de fées, mais l'entêtement de ces enfants et plusieurs faits troublants laissent un doute s'insinuer dans les esprits.
Source: http://www.heaven-vs-darkness.net/Occulte/anglaises_fees.htm